acaducep.ch

Les rencontres

Sarah Meylan

Sarah Meylan

«Nous devions reconstruire l’image des vignerons genevois»
Œnologue et vigneronne à Cologny, Sarah Meylan préside la Section genevoise de l’Association suisse des vignerons-encaveurs indépendants (ASVEI). Les efforts mis sur la qualité des vins ayant payés, elle entend accroître leur renommée. Interview.

Dans quel contexte est née l’ASVEI?

L’association a été lancée en 1970 avec pour objectif de faire reconnaître le travail de vigneron-encaveur comme un métier d’artisan. Il était nécessaire de dé- fendre et d’organiser professionnellement les vigne- rons indépendants afin d’assurer une bonne santé à la profession. D’autant qu’à l’époque, la majorité des vignerons préféraient vendre leur production à une coopérative. Les vignerons-encaveurs, qui exploitent un domaine viticole en tant que propriétaire ou locataire et produisent leur vin de la vigne jusqu’à la bouteille, étaient donc largement minoritaires.

Et aujourd’hui?

Leur nombre progresse. Au sein de l’ASVEI, pour le canton de Genève, nous sommes passés de 36 à 47 membres au cours des cinq dernières années. Cette progression est due notamment à la demande des consommateurs pour les produits locaux – légumes, viande, vin – ce qui se traduit par le développement des marchés à la ferme et, bien sûr, à l’excellente qualité des vins genevois.

Quels sont ces nouveaux membres?

Il s’agit de jeunes, majoritairement âgés entre 20 et 30 ans, passionnés et très déterminés, qui décident de reprendre le domaine familial ou de louer des vignes. Ils commencent modestement, souvent avec du matériel d’occasion, en faisant un vin et, peu à peu, ils étoffent leur gamme.

Justement, quelle est la situation aujourd’hui de la viticulture dans le canton?
Dans les années 80, les vins genevois souffraient d’un important déficit d’image: l’année 1982 avait été marquée par l’explosion de la récolte de chasselas en Suisse romande et la cave coopérative genevoise s’effondrait. Elle était alors le seul interlocuteur de l’Etat, la seule image des vins genevois hors du canton. Nous devions reconstruire l’image des vignerons genevois ou disparaître. Il nous aura fallu 20 ans pour relever la réputation du vin genevois et convaincre les consommateurs de goûter à nouveau nos vins.

Que s’est-il passé ensuite?

Le chasselas genevois étant de faible valeur économique, les vignerons-encaveurs ont innové

avec des cépages encore absents de la région. Pour valoriser leur domaine, ils ont cherché à produire des vins haut de gamme. De ce fait, l’organisation et la structure du vignoble ont évolué. Bien des vignerons ont créé leur propre cave, les encaveurs déjà en place se sont affirmés,de nouvelles structures se sont mises en place et la cave coopérative est devenue une société anonyme qui achète la récolte à des fournisseurs. Elle encave actuellement le tiers du vignoble genevois.

Quelle est la place du bio aujourd’hui?

Il connaît un essor grandissant même si la Suisse alémanique est en avance dans ce domaine. A Genève, plusieurs vignerons-encaveurs sont aujourd’hui dans cette démarche bio. Ils progressent pas à pas, commençant d’abord par une parcelle puis une autre. Cela étant, depuis les années nonante tous les vignerons-encaveurs ont déjà adopté les principes de l’agriculture raisonnée.

Quels sont les principaux enjeux à venir pour l’ASVEI?


L’image! Nous devons absolument travailler dans ce sens, être actifs sur le plan de la communication. C’est un enjeu important. Par ailleurs, l’association est présente sur différents fronts, soutenant divers projets comme, par exemple, l’obligation pour les restaurants d’avoir au moins une référence de vin genevois sur leur carte. C’est, du reste, déjà le cas dans le canton de Vaud.

L’association s’est engagée en faveur de la formation en appuyant la création d’un diplôme de technicien «viti-vinicole» dont l’objectif est de former les jeunes dans la perspective de reprendre un domaine. Ce cursus, qui commence en septembre pour la première fois, met l’accent sur les connaissances techniques, bien sûr, mais aussi sur le marketing. Il s’agit d’un diplôme très ciblé qui répond à une vraie attente des futurs vignerons-encaveurs.
John Dupraz

John Dupraz

«Les Genevois doivent apprendre à apprécier leurs vins»
Président de l’Office de promotion des produits agricoles de Genève (Opage),
John Dupraz, viticulteur, ancien député au Grand Conseil, ancien conseiller national et Ecuyer d’Honneur de l’Académie du Cep, s’est fixé comme objectif de faire redécouvrir aux Genevois leurs vins qui, aujourd’hui, se sont hissés au plus haut niveau. Interview.

Qu’en est-il de la qualité de la production viticole genevoise?


Les vins AOC Genève ont atteint un niveau de qualité remarquable, auquel on ne rend pas assez hommage. Il suffit pour s’en convaincre de constater l’excellent comportement de nos vins dans les concours auxquels ils participent.

Peut-on en conclure que leur renommée est désormais acquise?


Il ne faut pas se complaire dans l’autosatisfaction et rester exigeant quant à la qualité de nos vins. La maintenir très élevée est impératif. Ce serait une erreur énorme de la négliger, sous peine de retomber dans le médiocre et de nuire à la réputation de notre région. Pour cette raison, participer à de nombreux concours, avec succès, est bénéfique, non seulement parce que le vigneron reste ainsi vigilant, mais aussi parce que les récompenses procurent aux vins genevois une notoriété qui leur manque encore trop souvent.

Quel est le cheval de bataille des viticulteurs locaux?


Le savoir-faire des vignerons genevois atteint maintenant un niveau remarquable, mais il reste à élever le niveau du «faire savoir», parce que les Genevois ne connaissent pas toujours la qualité des vins locaux. Il faut les leur faire découvrir.

La difficulté réside dans le fait que peu de patrons de cafés sont genevois. En effet, Genève est le canton dont la population est la plus composite de Suisse; il comptait en 2012, 38% de Genevois, 48% d’étrangers et 24% de Suisses.

Les patrons de cafés devraient prendre l’habitude de suggérer les vins genevois en apéritif ou en accompagnement. Nos voisins vaudois et valaisans n’ont pas ce souci de méconnaissance de l’offre du fait que les gérants «de souche» sont plus nombreux, ils ont donc le réflexe de servir les vins de leur terroir.

Comment peut-on assurer la promotion des vins locaux?


Les journées portes ouvertes sont utiles à la cause, comme toute manifestation qui met en valeur le vin genevois. Les initiatives que prennent les caves et les bars à vins vont dans le même sens positif. L’action des sociétés bachiques contribue aussi très efficacement à cette promotion.

Existe-t-il un autre moyen d’accroître leur notoriété?


Il est indispensable de veiller à la traçabilité en personnalisant nos vins (étiquettes, etc.), tout comme il est vital de préserver et de renforcer le lien entre le terroir, le producteur et le consommateur.

Le dynamisme de la promotion s’accompagne-t-elle de la recherche de nouveaux cépages?


L’offre naturelle genevoise reste le Gamay, le Chasselas, le Pinot noir et, dans une moindre mesure, le Gamaret. Mais il est important d’accentuer la diversité et de développer des produits et des vins locaux et d’étendre la palette des cépages sur le terroir genevois.

Comment les vignerons envisagent-ils le marché futur?


Les vignes sont plantées pour 40 à 50 ans. Le calcul est le suivant: moins dense à l’hectare, la vigne a une durée de vie plus longue. Comme on ne peut savoir quelles seront les attentes des consommateurs dans 20 ans, il faut nous diversifier autant que possible. Le rosé, qui ne se développe dans le canton que depuis 20 à 25 ans, est un bon exemple. Il illustre notre capacité d’adaptation à l’évolution du goût des consommateurs.

Alain Brunier

Alain Brunier

«Il est de notre devoir de faire connaître notre terroir»
Membre de l’Académie du Cep au titre de Compagnon,Alain Brunier est directeur général de l’Ecole Hôtelière de Genève (EHG). Rencontre avec cet ambassadeur du terroir genevois qui promeut le vignoble auprès de ses étudiants et auprès des clients du restaurant Vieux-Bois.

Quelles sont, selon vous, les spécificités des vins genevois?


Il faut souligner la richesse des différents cépages travaillés et l’excellence du travail des vignerons depuis quelques années, pour sortir des vins de très grande qualité. Ils essayent, avec succès, d’introduire et de réintroduire des cépages. Si la quantité produite peut faire défaut, les récompenses régulièrement glanées attestent de la qualité. Nombreux sont les clients du Vieux-Bois, d’ailleurs, restaurateurs ou professionnels du tourisme, qui sont impressionnés.

Le restaurant de l’EHG propose une carte des vins 100% genevoise, pourquoi?


J’ai pris le parti en 2006 de présenter dans notre «restaurant d’application» une carte exclusivement composée des richesses locales, parce qu’avec notre situation au cœur des organisations internationales, il est de notre devoir de faire connaître notre terroir. Et puis, parmi nos étudiants suisses, de plus en plus sont genevois; il leur faut être ambassadeurs de leurs vignes.

Vos étudiants ont-ils un lien particulier avec le monde viticole du canton?


Bien sûr! Nous avons mis sur pied le «projet Nectar», avec Stéphane Gros, viticulteur à Dardagny. Chaque année, les étudiants participent aux vendanges pour la «cuvée de la volée», qu’on retrouve notamment cette année à la carte du restaurant de l’hôtel Beau- Rivage. Si les autres écoles hôtelières mettent également en avant leur terroir, je ne suis pas sûr qu’il y ait la même proximité avec les vignerons.

Existe-t-il d’autres programmes pour les aider à développer leurs connaissances œnologiques?


Notre Club Dégustation attribue le Marcassin à l’un des 20 meilleurs pointages de la Sélection des vins genevois de l’Opage, l’Office de promotion des produits agricoles de Genève. Des représentants de notre école sont eux-mêmes montés sur le podium du 3e Concours Millésime, auquel participe une douzaine d’écoles européennes.

L’EHG forme également à l’organisation de banquets à l’extérieur...


En effet, un tel service traiteur s’inscrit dans la logique de la formation et génère un quart du chiffre d’affaires du Vieux-Bois – c’est important. Ainsi, les étudiants se rendent compte que faire plaisir comporte des risques à appréhender. Toute notre philosophie est de mettre nos étudiants au plus proche de la réalité.
Retour en haut